Compte rendu de voyage photo – Aigles et Pélicans en hiver – Bulgarie – Février 2013 – un voyage Spatia Wildlife guidé par Patrick Dieudonné
Jour 1 (dimanche 10 février 2013) :
La journée commence plutôt sportivement, avec une fine couche de neige qui rend le trajet vers la gare TGV un peu difficile. Mais il y a plus grave, l’alerte orange des services météo qui aura pour conséquence d’annuler la majorité des vols des aéroports de province vers Paris, obligeant Loïc, qui vient de Nantes, à un parcours du combattant (taxi, train) vers Paris. Parcours dont il se sortira avec les honneurs, n’arrivant à Sofia, capitale de la Bulgarie, qu’avec 2 h et demie de retard. Mission accomplie, nous nous retrouvons, Yves, Philippe, Loïc, Dobry et moi, malgré ces aléas climatiques, tous ensemble à notre hôtel le soir. Il y a un peu de neige sur les routes, dès qu’elles s’élèvent, mais rien à voir avec l’année dernière, les conditions sont normales.
J2 (lundi 11 février) : Depuis notre base (un petit hôtel confortable) au pied des Balkans du centre, nous accomplissons un court trajet (environ ½ h) vers un affût situé vers 1200 m d’altitude, en 4X4, où nous attendrons l’Aigle royal et l’Autour des Palombes. La température relativement douce a fait fondre la neige à cette altitude, mais plus haut la neige reste bien établie. Nous apercevons les hautes montagnes d’en face, à près de 2500 m, lorsque les voiles de brume se déchirent. Mais le temps couvert et brumeux ne se prête guère à la photo ni, semble-t-il, aux évolutions des rapaces. Nous entendons quelques grands corbeaux, mais aucun ne descendra sur l’appât, un superbe chacal doré victime d’un accident de la route. Une journée blanche…
J3 (mardi 12 février) : Dobry nous a reconfirmé que cet affût était quotidiennement visité par l’Autour, à la meilleure saison. Mais en fin de saison les Autours reprennent la chasse aux proies vivantes, car il faut se préparer à la reproduction, et le mâle surtout doit faire la preuve de ses talents de chasseur, les chances sont donc un peu moins fortes. Malgré tout, nous sommes optimistes car le temps est au beau et les rapaces sont plus actifs dans ces conditions. Le lever de soleil est d’ailleurs magnifique sur les montagnes en face de notre affût.
Nous remarquons une harde de chevaux à près de 1600-1800 m d’altitude, à la limite des neiges… pourquoi se tiennent-ils si haut, comment font-ils pour survivre aux rigueurs de l’hiver ? En fait ces chevaux sont très bien adaptés à leur environnement, et s’ils restent bien au-dessus de la limite des forêts c’est qu’ils craignent les loups, qui font un retour en force dans bien des zones rurales de Bulgarie. Sur les poulains de l’année, laissés à eux-mêmes en altitude, Dobry nous dira que les pertes dues à la prédation atteignent parfois 75 % sur ce secteur… sans toutefois que le loup soit considéré comme l’ennemi public n° 1, car la présence du loup est un fait qui ne s’est jamais démenti en Bulgarie, à la différence de la France…
Nous employons notre matinée en discussions à voix très basse, comme la veille, car nous avons décidément beaucoup de choses à échanger, entre grands voyageurs. Loïc a voyagé un peu partout dans le monde et nous avons tous bien sûr des questions à lui poser, nous échangeons des avis sur nos meilleurs spots animaliers et paysagers, etc. Il fait frisquet mais avec gâteaux et Thermos nous faisons face, et le temps passe vite…au point que nous sommes surpris vers 13 h lorsque je repère un mouvement vers le grand perchoir situé à 15 m : une superbe femelle d’autour est là, grande, belle, dans la lumière et sur un fond de montagne enneigée. Elle est arrivée directement, sans approche ou observation préalable, en habituée des lieux. Comme nous savons qu’elle tolère d’être photographiée avant d’être sur la proie, nous réalisons plusieurs images de l’oiseau posé, avec et sans converter.
Après quelques minutes, elle se pose près du chacal. Son comportement est néanmoins surprenant, elle lève constamment la tête et scrute attentivement, voire même craintivement parfois, le ciel, de son œil orangé. Nous nous attendons d’une minute à l’autre à voir apparaître un aigle, ou son partenaire, mais nous ne pouvons voir si haut dans le ciel depuis l’affût. En fait rien d’autre ne se passe, et au bout d’un moment le bel oiseau se calme et se pose sur la carcasse, qu’il entreprend d’entamer de son bec acéré… pas assez toutefois. Les poils volent, qu’il arrache par touffes, mais la peau est trop résistante. Il s’acharne toutefois pendant de longues minutes, qui nous donnent l’occasion de nombreuses photos, dans un joli décor de rochers recouverts de lichens jaunes. Puis, en désespoir de cause, il se repaîtra de morceaux de viande disposés à proximité, tandis que nous rongerons notre frein, car la scène n’a plus grand-chose de photogénique. L’autour nous quittera après environ une heure de présence, repu, le jabot bien bombé. Malgré ce bon repas, les taches de sang présentes sur son plumage, et visibles dès les premières photos, nous montrent que l’oiseau chasse aussi pour lui-même et ne dépend pas des proies mortes… Le reste de la journée se passera sans autre événement notable.
J4 (mercredi 13 février) : Ce matin le temps est au brouillard et à la neige, et nous nous rendons sur un autre de nos affûts à aigles, un affût de pierre sèches situé plus à l’ouest, vers 1500m d’altitude, après une heure de route. Cet affût est plus productif pour les aigles, mais n’a pas de couple d’Autours résidents, c’est pourquoi nous avons d’abord insisté sur le premier, à raison. L’accès à cet affût est un peu plus difficile, la neige est tombée pendant la nuit et la progression en 4×4 est un peu plus sportive, mais Dobry est coutumier du fait et nous mène le plus loin possible – après 300 m environ à pied à la lampe frontale nous sommes dans l’affût avant le lever du jour, comme il convient. Notre journée sera rythmée par les évolutions et les cris d’appel amoureux d’un couple des grands corbeaux à peu de distance, mais ils resteront hors de portée, et une brume dense règnera pendant presque toute la journée. Dans ces conditions, les aigles royaux préfèrent rester branchés ou posés dans des falaises, évitant le risque d’une collision en vol, nos chances étaient donc faibles… Ironie du sort, lors de l’arrivée de Dobry à la tombée de la nuit, un grand brouhaha de pattes et d’ailes se fait brusquement entendre au-dessus de nous… le couple de corbeaux que nous attendions sur le chacal était tout simplement perché au-dessus de nos têtes !
Autant dire que le moral n’est pas très haut lors du repas du soir, et nous commençons à nous demander quand les aigles viendront, et s’ils viendront… jusqu’à ce que Dobry nous dévoile sa botte secrète… les appareils de surveillance du troisième affût, à 100 km plus à l’ouest, ont été relevés par un collaborateur, les photos envoyées par internet, et Dobry a le plaisir de nous montrer des photos d’aigles sur les proies, et perchés sur des branches avoisinantes ! Le moral remonte en flèche, car nous passerons deux journées à cet endroit en fin de séjour, ce qui devrait être suffisant, en effet les aigles étaient présents tous ces derniers jours (juvénile et adultes). Les semaines précédentes cet affût n’avait rien donné, et les autres avaient été productifs… imprévisibilité de la nature sauvage qui déjoue les plans les mieux établis.
J5 (jeudi 14 février) : Nous allons enfin avoir l’occasion de déclencher à tout va, car nous commencions à nous rouiller un peu sous ce froid et cette humidité. Ce matin, nous utilisons un affût que Dobry a installé dans son jardin familial, dans un village perdu dans les collines des Balkans. Ce village est un des nombreux jolis petits villages de montagne en voie de désertification et d’abandon en Bulgarie depuis les changements politiques, les jeunes partant vers les villes pour ne plus revenir. Dobry lutte comme il le peut, en rachetant des terrains alentour pour les entretenir, et en ayant des projets de rénovation respectueux de l’architecture locale, en briques de terre et colombages, pour plusieurs bâtisses avoisinantes. L’écotourisme, là aussi, peut jouer un rôle positif, à l’échelle locale.
L’avifaune ici est très riche, et le nombre des oiseaux que nous aurons à la mangeoire le prouve bien. Mésanges charbonnière, noire, nonnette, bleue, et bien sûr la spécialité locale, la mésange lugubre, un peu semblable à la nonnette en plus grande, verdiers et gros-becs en nombre, pic épeiche et surtout pic cendré, très difficile à photographier en France mais courant ici, moineaux friquets en pagaille, geais et épervier, mais que nous ne réussirons pas à photographier. Les oiseaux en nombre à la mangeoire se chamaillent constamment, ce qui nous offre l’occasion de nombreuses photos d’action. Les fonds de montagnes lointaines et boisées produisent des arrière-plans doux et photogéniques, même si la lumière, douce mais faible sous un ciel couvert, nous manque un peu.
Nous sommes souvent obligés de monter en sensibilité. Je me retrouve assez souvent vers 1600 voire 2000 iso, mais ce n’est pas vraiment un problème avec le D3. Je regrette cependant de ne pas avoir un zoom 200-400 ou un 300 mm avec moi, car lorsque les gros-becs se mettent de la partie, je ne cadre pas assez large au 500 mm et je rate plusieurs affrontements mémorables… j’en réussis quand même quelques-uns aussi, et mes camarades d’affût paraissent eux aussi très satisfaits, pris dans le feu d’une action continue… il y aura des cartes mémoires à vider ce soir, même si le taux de déchet sera important, car il est assez difficile d’avoir deux oiseaux affrontés parfaitement nets, je veux dire sur le même plan de netteté, avec des ouvertures aussi réduites (f4 et f5,6). Les portraits plus classiques ne poseront pas problème par contre.
J6 (vendredi 15 février) : Après une route assez sinueuse vers notre nouveau champ d’opération, et une bonne nuit d’hôtel au nord de Sofia, nous voilà prêts à photographier les aigles. Dobry et Ivan nous conduisent sur un vaste plateau dénudé, où le 4X4 bataille dans la neige pendant près d’une demi-heure avant d’arriver à un confortable affût de bois, bâti tout près d’un ancien affût à loups en dur. Cet affût, situé dans les Balkans du centre en Bulgarie, était en effet autrefois celui d’un chasseur de loups, Ivan, depuis repenti et devenu, de par sa connaissance du terrain, un atout maître de Spatia Wildlife, dans sa politique d’écotourisme responsable.
Il est l’un des rares en Europe de l’est qui puisse permettre l’observation de loups sauvages dans leur milieu, mais actuellement il y a peu de chances, d’après Ivan, les loups semblant avoir déserté cette zone en cette fin d’hiver. En effet, les loups restent très mobiles et assez peu dépendants des proies disposées par l’homme.
Nous resterons attentifs toutefois, mais nos rêves de loups ou d’aigles étaient destinés à ne pas être exaucés encore cette fois… à croire que nous étions poursuivis par la malchance ! Mais il nous restait une journée, une demi-journée seulement pour Philippe, qui devait repartir dans l’après-midi de Sofia, Yves et Loïc m’accompagnant quant à eux pour 3 jours de plus vers les pélicans du lac Kerkini, dès Dimanche…
J7 (samedi 16 février): Le succès, enfin ! Cette journée avait commencé comme les autres, ni plus, ni moins. Il ne restait à Philippe que quelques heures pour réaliser les photos tant désirées, Dobry devant exceptionnellement (nous n’approchons jamais les affûts en journée), venir le chercher vers 11 h. A partir de 9 h, le temps devenu plus clair nous semblait assez prometteur, mais la résignation prévalait plu sou moins à peu de temps du départ, lorsque tout à coup Philippe commença à déclencher, au coup par coup ! A moins d’une heure de son départ l’aigle était là, sans que nous l’ayons vu arriver, sur un perchoir situé à 15 m. Magnifique cadeau… Mais pas question de se rater… lumière superbe, oiseau magnifique, le résultat dans le viseur était à la hauteur de l’interminable attente… Quelques minutes seulement, mais dans une lumière idéale. Pour cette première visite, l’aigle un peu méfiant encore ne daigna pas descendre sur la carcasse de renard. Mais ce n’était que partie remise, car malgré une (discrète) présence humaine en milieu de journée, l’oiseau revint dans l’après midi, pour une séance où il resta près d’une heure à manger, nous permettant de nombreuses photos au sol pour compléter la série. Mission accomplie, mais il était moins une !
J8 à 10 (dimanche 17 – mardi 19 février) : les jours suivants furent consacrés à la photographie de Pélicans frisés sur le lac Kerkini, en bateau et du bord. J’ai déjà consacré un article à cette partie du voyage, aussi je n’entrerai pas dans les détails. Par rapport à l’an dernier, nous avons eu un temps plus couvert qui ne nous a pas permis de faire ressortir le magnifique arrière-plan de montagnes enneigées qui singularise le lac Kerkini, mais l’approche des Pélicans de très près en bateau a permis des images différentes. Nous avons eu le plaisir de pouvoir observer toute une famille de loutres pendant des heures sur la partie nord du lac, depuis nos affûts. Hélas les loutres ne se sont pas approchées suffisamment pour des images valables, mais ce n’est que partie remise…
Tous mes remerciements à Dobry d’abord, pour la conception et l’organisation de ce voyage, et à mes compagnons de voyage, Loïc, Philippe et Yves, pour les discussions passionnantes que nous avons eues, et l’ambiance très sympathique tout au long du voyage, dans les moments fastes et moins fastes.
NB : sur 4 séances aigle royal réalisées la semaine suivante sur l’affût à loups, toutes ont été productives (juvénile et adultes, photos en vol).
© Patrick Dieudonné Photo 2013, textes et images. Toute reproduction ou citation interdites sans accord préalable de l’auteur.
Trés bon récapitulatif de notre voyage, je tiens à remercier Patrick et Dobry pour la qualité de leur accueil et des prestations que ce soient hôtels, restaurants, logistique, tout a été parfait et ce n’est pas toujours le cas dans ce type de prestation…
Un souhait: le lac Kerkini mériterait bien 1 ou 2 jours de plus …
Merci Loïc,
Content de voir que tout t’a bien plu ! On peut réfléchir sur une extension de l’extension Kerkini … c’est vrai que ce lieu est fascinant, j’espère pouvoir y retourner dans un proche futur au printemps…
Dobry et moi organisons aussi ce voyage en Novembre 2013 (24 au 30 novembre 2013). Les conditions d’affûts sont plus faciles à cette saison qu’en plein hiver, et les couleurs d’automne peuvent être très plaisantes. Lien pour le descriptif et la réservation: http://www.patrickdieudonne.com/francais/eagles_02.html
N’hésitez pas à poser des questions.
Le photographe est au boulot pour cet alléchant compte rendu..
De bien belles images mon Cher Patrick…
J’ai bien Faucon crécerelle, pic vert, pinson, etc. mais pas d’Aigles royaux dans mon Bois de Boulogne…
La Bulgarie en Juin me tente bien !
A bientôt
Bonjour, je souhaiterais publier une de vos photos sur des pliages d’oiseaux pour enfants que je réalise actuellement, pourriez vous me recontacter pour me donner l’autorisation de faire cette publication. Il s’agit de la photo d’un aigle royal perché, prise en Bulgarie le 16 Février 2013.
Merci de me répondre rapidement, la commercialisation sous forme de cartes souvenirs en Pyrénées est prévu pour début Juin !
Cordialement,
Alain G.